Fanatisme historique et légendes poétiques
C’est l’histoire de L’Enfant d’Or racontée par lui-même. 8ème enfant et seul garçon d’une fratrie qui sera attiré, toute sa vie, par les femmes et plus spécifiquement par leurs seins et leurs fesses.
C'est l'histoire d'une mère qui va, au milieu de terribles bouleversements sociaux, élever ses enfants, ses petits-enfants et quelques neveux ou nièces.
C’est aussi l’Histoire de la Chine depuis l’invasion nippone de 1937.
Voilà résumée en quelques mots, une brique de 900 pages *!
* Après ça, qui osera écrire que je ne suis pas concis..
Je souhaite vous donner envie de la lire, mais je vous préviens, ce n’est pas un roman pour les petits cœurs mous.
Et, comme je suis d'humeur badine, je vais vous donner les raisons de ne pas le faire ce qui, je vous connais, devrait vous convaincre du contraire.
Si vous n’aimez pas les romans historiques, truculents, violents, lubriques, si la crudité des mots vous embarrasse, si le sexe vous gêne, si les seins vous laissent de glace et les fesses de marbre, si la complexité des patronymes chinois vous perd, vous déroute, vous égare ou vous désoriente, et si enfin vous n’aimez pas les récits asiatiques, alors, passez votre chemin ou lisez un des derniers romans à la mode*.
*J'en connais un.
Ainsi quand, parmi les premiers personnages vous rencontrez Shangguan Lüshi, la belle-mère et Shangguan Lushi, la bru et que vous n’avez pas noté la différence*, reposez doucement le livre avant d’avoir envie de le pitcher** par la fenêtre.
*Si ! Si ! Il y a une différence…une petite chinoiserie… de tréma.
**Joual : Jeter brutalement
La bru est sur le point d’accoucher de son huitième et supplie la déesse Guanyin d'enfin donner la lumière* à un garçon après 7 filles, toutes nommées dans l'espérance future d'un petit gars** :
*Dar la luz : magnifique expression espagnole pour l'accouchement.
**Soit : « Fais venir le petit frère », « Appelle le petit-frère », « Amène le petit frère », « Pense au petit frère », « Espère le petit frère », « Songe au petit frère » et « Réclame le petit frère »
Si, après ça, vous voulez, quand même continuer, vous n’avez plus qu’à récupérer le bouquin dans le massif de rhododendrons.
Dans des scènes que ne désapprouverait pas le Grand Guignol vont naître des jumeaux hétérozygotes et un ânon*, tandis que des japonais et des maquisards se massacrent et que meurrent des dizaines d’innocents.
*Pas de la même mère. J’en vois qui font du mauvais esprit.
Quelques mois plus tard les bessons sont baptisés, Enfant d’Or et Fille de Jade, par leur véritable père, le pasteur suédois Maroya, au moment où des maquisards violent Lushi à l’intérieur de l’église tandis que l’homme de Dieu se décloche**.
*Jintong et Yu Nü
*On se défenestre d’une fenêtre donc on doit pouvoir se déclocher d’un clocher.
La vie et les aventures de Jintong et de sa famille forment la trame de ce roman pendant cette période trouble de l’Histoire de la Chine, incompréhensible pour la quasi-totalité des chinois qui y participent à leur corps défendant et pour les Béotiens* et les Ignares** dont je fais partie.
*Habitants de la Béotie
**Habitants de l’Inkulturie
Les guerres civiles engendrent au sein des familles des situations funestes, des trahisons multiples, des massacres innombrables. Les hivers rigoureux et les famines ajoutent le désespoir à la ruine des populations et à la désintégration du tissu social.
Et dans toute cette sanie purulente, ces tueries sanguinolentes, cette folie ambiante des personnes et des idées, cette sauvagerie, cette brutalité, cette cruauté, cette férocité, cette barbarie, cette bestialité, quelques phrases de pure poésie viennent nous redonner de l’espoir*.
*Je vous en ai noté quelques unes dans mon prochain « Pour vous en donner envie ».
Mao Yan a reçu le prix Nobel de littérature en 2012.
PS: J'avais une très faible connaissance de l'Histoire de la Chine de Chiang Kaï-Chek à Mao Zedong. Des millions de morts qui ne savaient ni pour qui ni pourquoi ils mourraient. Un nombre abstrait et sans signification réelle. Mo Yan, en donnant vie à ses personnages, le concrétise en partie.
Beaux seins belles fesses de Mo Yan, Points, 2005, 895 pages, Roman
*ouais ** bon *** très bon **** j'aime
Le bémol du Papou : Trop de morve qui dégouline, trop de merde, trop d'urine, trop de pourriture... et, j’ai eu d'énormes difficultés à imaginer un marché où se vendraient des petites filles.