les C.D.G. du HibouLes Voyages du PapouLes Commentaires du Hibou et du PapouQu'est ce qu'on mange ?
Ce fut un accident, un magnifique accident, un accident coup de coeur.
Je n’avais jamais rencontré ou même entendu parler – inculte, je suis - de Laurent Gaudé et quand l’Héritière m’a confié ‘’Le Soleil des Scorta’’, je n’ai pas ressenti, chez elle, un emballement particulier. C’est très bien écrit, m’a-t-elle soufflé, enfin, je crois, peut-être a-t-elle dit, vachement bien écrit, pourtant ce n’est pas là son langage habituel, ce serait plutôt le mien, donc j’ai du comprendre ‘’vachement’’ au lieu de ‘’très’’ et après cette lecture bouleversante, je suis d’accord : c’est ''vachement'' ''très'' bien écrit.
J'ai adoré cette saga familiale qui se déroule sur une centaine d’années, dans les Pouilles, cette région misérable où la terre ingrate et ceux qui y vivent cuisent et recuisent sous un soleil implacable.*
‘’La chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s’était évanoui. La pierre gémissait de chaleur.
…
Impossible de croire qu’une vie animale ou végétale ait pu trouver - sous ce ciel sec - de quoi se nourrir.’’
Comme dans toutes sagas familiales, on y parle de l'hérédité qui façonne, du passé qui obsède, de l'évolution qui effraie. Saga qui se déroule dans cette campagne désolée depuis l'époque encore moyenâgeuse de la fin du 19ème siècle jusqu'à nos jours avec les lents changements des coutumes, des croyances et de l’éducation.
‘’Immacolata ne se remit jamais de cet accouchement…Le plus simple était encore de mourir – et c’est ce qu’elle fit, un jour sans lumière de septembre.
…
Le groupe s’approcha du père Zampanelli et l’une d’elles lui demanda :
- Alors mon père, c’est vous qui le ferez ?
Don Giorgio ne comprit pas.
- Que je fasse quoi ? demanda-t-il
- Vous savez bien, mon père.
- De quoi parlez-vous ? s’impatienta le curé.
- Pour trépasser l’enfant… c’est vous qui le ferez ?
Le curé resta sans voix. La vieille, devant ce silence, s’enhardit et lui expliqua que le village pensait que c’était la meilleure chose à faire. Cet enfant était né d’un vaurien. Sa mère venait de mourir. C’était bien là le signe que le Seigneur punissait cet accouplement contre nature.
Il valait mieux tuer le petit qui, de toute façon, était entré dans la vie par la mauvaise porte.’’
En dépit des malheurs, des difficultés, de la misère, cela reste un roman d’espoir sur l’éternité de l’être humain en général en dépit de la vie éphémère de chacun, et un roman sur la mémoire des évènements, inoubliables lorsqu’ils surviennent, dont le souvenir disparaîtra avec ceux qui les ont vécus s'il n'est pas transmis aux générations futures.
C’est un roman que je donnerai à lire à tous les élèves, de 7 à 77 ans, pour qu'ils s'intéressent un peu à leurs origines, à l’histoire de leur famille, à l’Histoire.
Ils ne sont pas juste le résultat d’un accident - volontaire ou non - mais ils possèdent en eux la haine, la peur, la souffrance, la joie et tout l’amour de leurs ancêtres depuis la nuit des temps.
Cette saga montre, outre celui de son écriture, tout le talent de l’auteur pour faire défiler plus de cent ans de chroniques dans un opuscule d’à peine 250 pages.
J'avoue que ce livre m’a chatouillé là où j’ai mal de temps en temps. Cette douleur qui avive les regrets de m’être intéressé à l'histoire de Mon Papou une dizaine d’années trop tard.
La mémoire perdue ne revit jamais.
*ouais ** bon *** très bon **** j'aime
par Le Papou
PS: J'y suis passé une fois, il y a bien longtemps. J'en garde le souvenir de spaghetti aux palourdes, préparées par une vendeuse à
la sauvette et dégutées près du port de Bari. Ce plat reste encore un de mes favoris mais nul part je ne l'ai trouvé aussi bon.