La pêche est un sport solitaire qui comme certains autres peut se pratiquer à deux. Ainsi, soit on se concentre sur un petit bouchon aux couleurs vives quand les poissons participent volontairement à notre plaisir, soit on bavarde agréablement quand ils refusent de tester la température ambiante de l’air.
Le plus important en arrivant est de préparer, les nasses pour les futures prises, les lignes de fond et celles de surface en y accrochant les esches, asticots, vers de terre, maïs ou blé cuit, et de mettre à rafraichir la bouteille de rosé qui étanchera notre soif au moment du casse-croûte, car tous les pêcheurs vous le diront, l’attente et la concentration creusent l’appétit et assèchent la gorge.
L’étang où nous pêchons ressemble grossièrement à l’Afrique.
J’aime bien m’installer aux environs de la Tunisie, c'est un endroit devenu calme, d'autres préfèrent se positionner près de la Guinée, lieu que je n’apprécie guère, et si les Guinéens n'en sont en rien responsables, l’arbre solitaire, venu étaler ses branches accrocheuses à cet endroit, l'est pour beaucoup et commence à ressembler à un arbre de noël avec toutes les cuillers colorées qui pendent et scintillent dans la brise matinale.
Je ne vais jamais non plus en face de la Guinée, car le long de ce qui serait le côté du continent, de l’Égypte jusqu’au cap de Bonne Espérance, un gros bois de pins, de chênes et de châtaigniers borde l'étang.
Bois dont la seule utilité, en dehors des châtaignes en saison et des cônes pour leur cuisson au barbecue, est d’attraper et de retenir les lignes que nous essayons adroitement de lancer dans les creux, tout près des nénuphars, qui restent les meilleurs abris pour carpes, gardons et voraces brochets.
Branches d'arbres et nénuphars étant, par ailleurs, les meilleurs protecteurs des poissons, certainement encouragés, nourris et arrosés par les marchands d’hameçons, de lignes et d’appâts qui font fortune à nos dépends.
Malgré ces légers inconvénients, la pêche est un agréable passe-temps, qui vous nettoie le cerveau de tous les problèmes et les ennuis et vous ramène, dans votre foyer, fatigué comme un coureur de marathon mais sans les douleurs musculaires, ce qui est très apprécié.
Celui qui vous dira que le silence fait partie de ces moments de pure tranquillité n’a jamais pêché ou, ce qui est plus grave, n'a jamais écouté la nature.
Au petit matin, quand le jour commence à peine à montrer ses premières lueurs, les serins, rouge-gorge, fauvettes, moineaux, merles et autres rouge-queue se réveillent bruyamment, racontant leurs rêves et se querellant allègrement.
Occupés ensuite à leurs travaux diurnes ils disparaissent pour laisser la place aux aboiements des grenouilles tout autour de l’étang qui préviennent ainsi les futures proies que des vilains humains ont décidé de s’installer autour et de troubler leur miroir aqueux.
Et oui ! dans cette étendue d'eau elles ne coassent pas, elles aboient.
Et puis un calme serein (le calme ne l’est-il pas toujours ?) s’installe, seulement troublé par le vent, les trilles flutées des crapauds et les appels des coucous qui se répondent et semblent se transmettre les dernières nouvelles de la région.
Pour être honnête, le résultat de ces pêches n'a qu'une importance secondaire, nous en revenons toujours contents et si la nasse est pleine le bonheur est
complet.